Rediffusion : Entrepreneuses autochtones : changer l’avenir du tourisme dans le Nord canadien

Auteure : Yvette Rasmussen (Nation Stswecem’c Xget’tem) et Dre Sonya Graci

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Taalrumiq, créatrice de mode inuvialuk, porte le nom de sa naanak (grand-mère) maternelle Taalrumiq et vit dans les Territoires du Nord-Ouest. Pour le peuple inuvialuk, les noms traditionnels portent une grande responsabilité. D’après la croyance, les enfants partagent des traits physiques et spirituels avec leurs homonymes; c’est pourquoi les aînés et les membres de la famille qui organisent la cérémonie au cours de laquelle l’enfant est nommé accordent une grande attention à ce que ce dernier et son ancêtre soient honorés tout au long du processus. Née dans un hôpital indien d’une mère inuvialuk et d’un père gwich’in, Taalrumiq a grandi avec sa famille inuvialuit et descend d’une longue lignée de femmes inuites respectées pour leur talent de maîtres couturières.

Taalrumiq

Dans le Nord, la confection de vêtements pour les membres de la famille et de la communauté est un rôle respecté. Non seulement les vêtements protègent des éléments, mais la préparation et le soin minutieux des peaux témoignent également d’un profond respect pour les animaux qui ont permis leur création. Les points et le style de chaque couturière sont propres à sa famille.

 

Enfant, Taalrumiq passait du temps avec ses frères et sœurs et ses cousins dans l’atelier de couture de sa grand-mère. Lovée entre les peaux et les tissus, elle tirait du réconfort de leur odeur, des souvenirs qu’ils inspiraient et des histoires qu’ils évoquaient. Pour les peuples inuits, les vêtements sont synonymes de survie, et chaque pièce a une histoire à raconter. Les peaux de phoque et de caribou sont habilement transformées en parkas, chaussures et tuques d’hiver, et les pièces uniques sont transmises et réutilisées au fil des générations.

 

Aujourd’hui, Taalrumiq représente l’avenir et le potentiel de son peuple, à l’intersection de la tradition et de la technologie. Elle est diplômée de l’Université de l’Alberta, où elle a obtenu un baccalauréat ès sciences en écologie humaine et un baccalauréat en éducation, avec spécialisation en économie domestique et une mineure en art. Elle a autrefois imaginé son avenir en tant qu’enseignante, mais s’est vite rendu compte que, malgré ses efforts, cette voie n’était pas la sienne. La vie dans une communauté du nord sans soutien global (comme la garde d’enfants) présente des obstacles qui empêchent les femmes de se bâtir des moyens de subsistance durables.

 

En 2019, mettant à profit ses compétences traditionnelles et ses aptitudes en entrepreneuriat, Taalrumiq s’est tournée vers le tourisme. Elle a créé une page Facebook et a commencé à partager son travail sur les médias sociaux sous son nom autochtone, Taalrumiq. Aujourd’hui, elle a trouvé un moyen de combiner ses compétences en narration avec ses atouts inuvialuit en tant que couturière et artisane, gagnant une reconnaissance internationale en tant que créatrice de mode, d’art et de contenu numérique.  Désormais influenceuse sur les médias sociaux, Taalrumiq crée des vidéos au format court, des tendances de style « invuialuitisantes » qui revitalisent les traditions intemporelles et la relation des humains avec la planète. Elle partage sa culture et son identité inuvialuites sur Tik Tok, où elle a rassemblé un public impressionnant, recevant près de deux millions de mentions « j’aime » sur ses vidéos.

 

Les parents de Taalrumiq’s sont survivants des pensionnats, un chapitre de leur vie dont ils hésitent à parler encore aujourd’hui. « C’était humiliant de se faire dire que les peuples autochtones étaient sales et non civilisés et que nos pratiques culturelles étaient démoniaques. On a dit à notre peuple que nous devrions aspirer à devenir plus “civilisés” », raconte-t-elle. Taalrumiq faisait partie de la dernière génération d’enfants de sa communauté à fréquenter un pensionnat. Les difficultés rencontrées au moment de poursuivre des études en dehors de leur communauté étaient trop rudes pour beaucoup de ses camarades, qui ont abandonné l’école.

 

S’inspirant de sa famille et de ses ancêtres, Taalrumriq déclare être avant tout une femme inuvialuk : « Peu importe où je me trouve dans le monde, je suis Inuvialuk. Grâce à mon art, je me sens connectée à cette vérité. Le fait de créer, de regarder et d’apprécier l’art fait partie intégrante de notre identité en tant que peuple inuvialuit. Nous avons tant perdu de notre culture, de notre langue et de notre identité à cause de la colonisation. C’est pourquoi il est important de créer des pièces qui nous célèbrent, de nous rappeler d’où nous venons, de qui nous venons et de quoi nous sommes capables. »

 

La colonisation a compromis le bien-être et le mode de vie des femmes autochtones partout au Canada. La Loi sur les Indiens les a privées de leurs droits, les laissant vulnérables à la pauvreté et surreprésentées parmi les victimes de violences. Pour un nombre croissant de femmes autochtones du Nord canadien, le tourisme constitue une voie d’accès à des moyens de subsistance durables et à l’autodétermination. Les femmes entrepreneures autochtones apportent une perspective autochtone aux modèles commerciaux, notamment dans la manière dont elles établissent des connexions avec les gens, les lieux et la planète.

 

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